Le point sur le mining de crypto monnaie
A force d'entendre parler de mining, vous voulez investir quelques milliers d'euros en espérant les faire fructifier. Mais c'est un sport réservé à ceux qui ne payent pas leur électricité, ou qui aiment tout simplement parier.
Voilà plusieurs années que les cryptomonnaies ont été introduites, et si jusque-là c'était un phénomène assez contenu, son impact a été plus que lourd de conséquences ces derniers mois. La première est bien entendu la rupture de stock continue sur les GPU tout au long de l'année 2017, et qui se prolonge encore en 2018. RX 570, RX 580, GTX 1060, et ce jusqu'aux plus gros GPU tels que les GTX 1080 et RX Vega 56 et 64 : toutes ces cartes ont vu leur prix exploser. Une GTX 1060 6 Go descendait doucement sous la barre des 300 € fin 2016, il faut désormais tabler sur 400 € ou plus. Même chose pour les alimentations très puissantes (1200 et 1500 W) qui sont prises d'assaut, bien qu'effectivement ces produits soient à la base peu utilisés. Mais le mining va plus loin. A tel point que certaines villes ou pays interdisent (ou en tout cas souhaitent encadrer la pratique) le mining de cryptomonnaies qui a un réel impact sur la pollution et la production électrique de la société. Il ne se passe pas une journée sans qu'un constructeur lance une carte mère, un radiateur ou un logiciel destiné aux mineurs de tout poil, et
on ne parle pas des ASICs qui alimentent un marché spéculatif. Mais devez-vous réellement vous intéresser à cette pratique.
LE MINING, C'EST QUOI ?
Avant tout, il convient de rappeler le fonctionnement des cryptomonnaies.
Contrairement aux monnaies fiduciaires (euro, dollar, yen, etc.), les cryptos monnaies ne sont liées à aucun état et ne sont contrôlées par personne. Elles ne reposent pas non plus sur une organisation centrale en charge d'une politique monétaire et notamment garante de la valeur de l'argent. Car toute monnaie ne vaut que ce qu'on accepte de lui conférer comme valeur, c'est pour cela que les changes fluctuent ! En revanche, les règles d'émission de ces devises virtuelles sont inscrites dans le code, à l'avance, et sont publiques. Ce qui garantit qu'il n'y aura pas de fausse monnaie mais pas quel sera le change avec les monnaies traditionnelles, fruit d'un marché hautement spéculatif et de la psychologie des intervenants. La sécurité des transactions est garantie par le réseau. Chaque utilisateur commence par télécharger un historique de transactions qui pèse par exemple 65 Go pour le bitcoin !
Lorsqu'une nouvelle transaction apparaît, elle n'est pas validée instantanément et va être incorporée, avec d'autres transactions en attente de validation, au sein de ce que l'on appelle un bloc. Ce bloc subira ensuite un traitement cryptographique (aussi appelé preuve de travail), pour finalement être validé. Cette preuve de travail nécessite de lourds calculs et ce bloc doit être validé dans un laps de temps donné. Ce laps de temps est déterminé à l'avance dans le code de la monnaie et tend à se stabiliser.
Pour ce faire, la puissance de calcul nécessaire pour valider chaque bloc est continuellement ajustée, c'est ce qu'on appelle la difficulté. Notez, d'ailleurs, que cette puissance de calcul s'exprime en Hashs par seconde, notés H/s, avec les préfixes habituels pour divers ordres de grandeur (KH/s = 1000 H/s ; MH/s = 1000000 H/s ; GH/s = 1000000000 H/s). En outre, un bloc ne peut être validé que par une seule machine. Cette machine est tirée au sort parmi toutes celles prenant part au calcul et ce tirage permet de contrer ce que l'on appelle le double paiement. Ce dernier phénomène, très risqué, désigne l'éventualité où un même paiement serait validé deux fois, déséquilibrant totalement le compte de la monnaie.
Dans le cas d'une monnaie centralisée, ce n'est pas un problème puisqu'un seul organisme traite toutes les transactions, mais dans le cas d'un réseau décentralisé, ne serait-ce qu'à cause des latences et des vitesses de connexion disparates, ce phénomène doit être évité. Enfin, pour chaque validation de bloc, l'ordinateur qui l'aura validé reçoit des devises. Pour le moment, il s'agit de devises qui sont générées afin d'encourager le public à participer au réseau, mais à terme, ces récompenses proviendront d'une taxe de paiement.
Il ne s'agira pas à proprement parler d'une taxe puisqu'elle n'est pas obligatoire, il s'agit simplement d'offrir une rémunération pour encourager des ordinateurs du réseau à traiter une transaction en priorité. Sans cette rémunération, la transaction sera traitée, mais elle pourra prendre plus de temps que promis par le code. Le bitcoin a posé ces principes en 2009, avec une validation de bloc toutes les 10 min, une rémunération de 50 bitcoins par validation et un total de 21 millions de bitcoins générables. La rémunération accordée à chaque bloc validé est divisée par 2 tous les 4 ans, afin de progressivement réduire le nombre de devises produites. Toutes ces valeurs peuvent être amenées à changer selon la monnaie, mais toutes utilisent le même principe de fonctionnement.
LE GPU ENTANT QUE PUCE DE CALCUL
Vous vous demandez le rapport entre les cryptomonnaies et le prix des cartes graphiques ? C'est simple : les GPU, en tant que puces de calcul hautes performances, servent à la vérification des blocs. Et si le Bitcoin ou le Litecoin ne sont plus minés avec des GPU, c'est le cas de nombreuses autres monnaies alternatives comme par exemple l'Ethereum, le Z-Cash, le Monero. On pourrait presque dire qu'une nouvelle monnaie est créée chaque semaine, qu'elle soit à l'effigie d'un même internet, des groupes de J-Pop ou qu'elle serve à payer des services dans l'industrie du X. Chaque monnaie n'a en soi aucune véritable valeur : elle peut décoller et s'imposer, comme elle peut être oubliée et abandonnée. Et c'est là que l'effet pervers du mining fait son office. Car si à la base le mining était surtout censé garantir la fiabilité de la monnaie par les utilisateurs qui s'en servent, rendant donc plus fiables les monnaies les plus pertinentes, à l'heure actuelle, tout ou presque est miné dans le seul but de faire de l'argent. Car toutes ces monnaies, si elles n'ont aucun usage ou valeur réelle, sont indexées sur le Bitcoin, qui lui, est devenu une vraie monnaie.
Tout ce phénomène n'est donc que pure spéculation autour du Bitcoin. De très nombreux mineurs n'ont même jamais procédé à une transaction en bonne et due forme autrement que pour rapatrier leurs fonds.
QUELLE RENTABILITÉ ?
Si l'on considère l'Ethereum, une RX 580 peut prétendre à 25 MH/s environ. Elle consomme environ 150 W à elle seule et coûte 450 €. Actuellement, elle peut rapporter 25$ par mois. A ce tarif, il faudra 2 ans pour rentabiliser votre achat... Mais il faut en prime prendre en compte le coût de l'électricité pour la carte mais aussi pour le reste du PC. A 0,12 € le KWh, il faudra tabler sur un coût mensuel de 24$, ce qui équivaut à ne rien gagner du tout. Et nous avons considéré que tous les autres composants étaient déjà en votre possession.
Bien entendu, les 75 W que nous avons pris en compte pour la consommation de la plateforme (carte mère, ram, cpu, rendement) ne changent pas vraiment si vous passez à 4 ou 8 GPU. D'où l'idée de brancher un maximum de GPU à une unique plateforme. L'Asus B250 Mining Expert peut accueillir 19 GPU. Admettons que vous craquiez et l'achetiez ainsi que 19 RX 580, 2 alimentations 1500 W et un paquet de riser PCI-Express 1X. L'investissement atteindrait quelques 9700 € qui vous rapporterait 145$ par mois, en prenant en compte le coût électrique. Admettons que vous ayez l'âme d'un trader et que vous changiez votre Ethereum au bon moment, et que vous fassiez de même avec vos Bitcoin, vous pourriez probablement prétendre à 200 ou 250$ par mois en jouant avec la volatilité de ces devises. Mais même en étant généreux, il vous faudra 4 ans pour tout rentabiliser (et presque 7 ans à 145$/mois). Et tout ça suppose que les cours ne chutent pas !
Pourquoi le mining est-il alors si populaire ? D'abord parce que le mining GPU permet de revendre le matériel après utilisation. De fait, le risque de l'investissement de départ est diminué : en cas de crash, vous revendez toutes vos cartes (à des joueurs pourquoi pas) et récupérez une bonne partie de votre mise de départ. Seule la carte mère ne sert qu'au mining, et cela n'empêchera pas un autre mineur de vous la racheter. Mais vous aurez facilement perdu 25 à 40% de la valeur neuve dans l'affaire, sans compter la méfiance des acheteurs de GPU d'occasion ces derniers temps. Et ils auront raison, car à force de tourner à fond, toutes ces cartes voient leur durée de vie écourtée.
L’ASIC, UNE SOLUTION RISQUÉE
L'autre solution, c'est le mining via les ASIC, c'est-à-dire des puces spécialement désignées pour miner telle ou telle monnaie (ou plutôt tel ou tel algorithme). La machine n'a alors aucune autre utilité que celle- ci, mais remplit sa tâche de façon beaucoup plus efficace, en tout cas du point de vue du ratio performances/ consommation.
9 ans après son lancement, les récompenses attribuées pour le mining de bitcoin n'atteignent plus que 12,5 BTC par bloc. Le réseau culmine à 25 EH/s (25 trillions de H/s, soit 25 milliards de milliards de H/s). Un miner spécialisé tel qu'un Antminer S9 produit 13 TH/s, ce qui rapporterait donc moins de 0.001 Bitcoin par jour. Certes, cela parait ridicule, mais le Bitcoin s'échange actuellement contre 7500$ de sorte que vous pourriez accumuler 210$ par mois en ne faisant rien. Et en décembre dernier, le Bitcoin avait atteint un record de 19500$ l'unité, ce qui aurait quasiment multiplié par 3 vos revenus. Mais il faut là encore prendre en compte la consommation électrique qui atteint presque 1500 W et réduit donc les bénéfices à 60$/ mois environ.
Cela étant, le S9 ne coûte « que » 2000$, de sorte qu'il sera amorti en moins de 3 ans, c'est largement mieux que les 7 ans du pool de GPU que nous détaillions plus haut. Peut- on faire mieux ? Oui ! Toujours chez Bitmain, le L3+ atteint 504 MH/s en scrypt, et consomme 800 W. Soit 88$/mois de bénéfices, pour un investissement de 1400$ : l'opération serait rentabilisée en 16 mois à peine.
VARIABILITÉ DES TAUX DE CHANGE ET DE LA DIFFICULTÉ
Vous êtes prêts à faire fumer votre carte de crédit et à upgrader votre compteur électrique ? Minute papillon ! Car tout ceci n'est valable que si la situation actuelle perdure. C'est-à- dire que les cours n'évoluent pas (ou en tout cas ne baissent pas) et que la difficulté n'augmente pas. Or le premier point parait déjà peu probable : le Bitcoin a vu son taux de change tripler en à peine 1 mois, puis chuter de 30% en à peine une semaine, ce n'est pas une devise stable. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Vu que vous minerez probablement autre chose que le Bitcoin, le taux de change de cette monnaie avec le Bitcoin sera lui aussi fluctuant. Et surtout, la difficulté va invariablement évoluer à la hausse. En effet, comme nous l'avons précisé, le Bitcoin vise une validation de chaque bloc en 10 minutes. Cela signifie que la puissance du réseau
allant croissante, la difficulté sera augmentée afin que le délai soit maintenu. Et il en va de même pour chaque monnaie. Cela signifie qu'une monnaie rentable est vouée à l'être de moins en moins. Et si elle voit son cours s'envoler, cela pourrait compenser la difficulté croissante, mais alors de plus en plus de mineurs jetteraient leur dévolu sur cette monnaie, ce qui pousserait encore plus haut la difficulté. Bref, s'il est impossible de prévoir l'avenir, on peut affirmer sans crainte qu'avec 3 variables hors de votre contrôle, le mining n'est pas un investissement sûr.
Si aujourd'hui un L3+ est rentabilisé en 16 mois, il faudra peut-être 20 mois dans 1 semaine et 48 mois dans 4 semaines. Ajoutez à cela le fait que tous ces ASIC sont pris d'assauts et ne sont donc livrés qu'au bout de quelques semaines (voire quelques mois) et vous comprendrez à quel point l'investissement n'en vaut pas le coût. Avons-nous précisé que les ASIC ont aussi l'effet pervers de faire augmenter très rapidement la puissance du réseau, et donc la difficulté ? Lancés par batch de plusieurs centaines ou milliers d'unités, dès qu'ils sont mis en service, le paradigme évolue, de sorte qu'il est assuré que les conditions de rentabilité auront changé lors de la réception de votre bébé.
UN PROBLÈME POUR TOUS, AU-DELÀ DES GPU
A moins bien sûr d'être l'un des rares privilégiés qui ne paye pas son électricité, auquel cas la rentabilité peut exploser. On peut néanmoins se questionner sur l'aspect éthique d'une telle pratique. En effet, même sans parler de pollution ou de gaspillage (et c'est pourtant un problème), il ne faut pas oublier que l'électricité ne peut être stockée. Les collectivités connaissent à peu près les besoins des habitants, et dimensionnent donc leur infrastructure en conséquence. Avec les mineurs, cette consommation augmente, de sorte que les infrastructures doivent être renforcées plus rapidement que de raison. Et ceci est généralement financé par des impôts ou le coût de l'énergie, partagé entre tous les habitants d'une ville/région/pays. Et si ces mesures ne sont pas prises, alors il faut aller puiser de l'électricité ailleurs. La France est généralement un gros producteur d'électricité, mais les régions frontalières font parfois appel à l'Allemagne lors de périodes de forte consommation. Cette pratique est toutefois coûteuse, et là encore, c'est l'ensemble de la société qui se retrouve impactée. Et on ne parle même pas des nombreux mineurs qui piratent les réseaux électriques et sont donc dans l'illégalité totale.
Vous l'aurez compris, pour les gens honnêtes, le mining n'est pas un investissement stable. Vous pouvez vous essayer à la pratique si vous avez déjà le matériel sous la main, et en suivant les tendances et les monnaies les plus rentables vous pourriez dégager quelques dizaines ou centaines d'euros de bénéfices, mais c'est globalement beaucoup de mal pour peu de profits et une volatilité bien trop prononcée. Vivement que cette bulle éclate.